Niveau : pour débutant
Cette série d’articles tente de donner un aperçu succinct de la notion d’art en occident. Depuis sa création jusqu’à nos jours. Dans le but de donner des clefs de lecture sur l’art en général et de comprendre où nous en sommes aujourd’hui.
Début du 20eme siècle : Changer les codes de la représentation et les rendre à la limite de l’identifiable.
Une toile est un manifeste pour la modernité et va être fondatrice pour les avant-gardes. Il s’agit des “Demoiselles d’Avignon” peinte en 1907 et révélée au public trente ans plus tard à New York en 1937.
Picasso « Les Demoiselles d’Avignon » 1907
La surface à l’aspect froissé d’un vitrail, avec des angles multiples, des perspectives diverses qui s’entrechoquent et l’aspect sauvage des masques africains apportent une réalité fragmentée. Tout cela concourt à une innovation dans la représentation, d’où son importance. A posteriori, il y aura un avant et un après, dans le reclassement du goût. Cette toile fut cependant regardée comme monstrueuse par certains amis de Pablo Picasso.
Et pourtant, elle est le fruit de recherches longuement préparées par l’artiste. Le tableau est inspiré des Trois Grâces, sujet devenu scandaleux après leur transformation par Picasso en prostitués défilant pour le client voyeuriste. Elle est aussi l’héritière du travail de Monet sur l’autonomie de la couleur et le cadrage du quotidien de scène entrevue ( Impressionnisme ). On retrouve également la géométrisation de Cézanne, radicalisée sur un plan frontal avec une juxtaposition des plans et quasi abstraite (moyen âge et estampe japonaise).
Les masques évoquent le primitivisme de Gauguin et annoncent la violence de la déformation des visages de l’expressionnisme. Cette toile est également une étape vers l’abstraction, que Picasso ne franchira d’ailleurs pas, tout au long de son travail.
C’est Kandinsky, dès 1910, qui devient le pionner de la non représentation (Du spirituel dans l’art, 1911). Il ouvre la voie à l’abstraction, suivi par Robert Delauney 1914, Piet Mondrian 1917 et Kasimir Malevitch, père du suprématisme et constructivisme. Ils poursuivent les expériences cubistes pour aboutir au Quadrangle noir (carré noir sur fond blanc).
Vassily Kandinsky, « Sans titre » premier tableau abstrait, feutre, encre et gouache sur papier, 64,8×49,6 cm, 1910-1913, Musée
national d’Art moderne, Paris
Kandinsky « Composition VII » 1913, huile sur toile, Tretyakov Gallery, Moscou
Robert Delaunay « Relief-disques » (1936)
Piet Mondrian. « Composition in Color A » 1917. Huile sur toile. Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo, Pays-Bas
Kasimir Malevitch, « Quadrangle » est exposé comme une icône à un angle supérieur de la Dernière Exposition 0,10 entre le 19 décembre 1915 et 19 janvier 1916 à Pétrograd (Aujourd’hui Saint-Pétersbourg). Cette première huile sur toile d’un « carré noir sur fond banc » est conservée à Moscou à la Galerie d’Etat Tretiakov.
Parallèlement à la peinture et initié par l’école de Chicago (premier gratte-ciel) et Charles Rennie Mackintosh, l’Art Nouveau est progressivement banni de l’architecture, des arts décoratifs et des arts appliqués, pour laisser la place à la géométrie et à l’épure. Ce mouvement est notamment porté par Franck Lloyd Wright aux États Unies, Adolf Loos ou Josef Hoffmann en Autriche.
Le « First Leiter Building », construit en 1879 et « Le Home Insurance Building » de Chicago construit en 1885 (Il mesurait 42 mètres et est considéré comme le premier gratte-ciel de l’histoire de l’architecture. Il fut démoli en 1931). Par l’architecte William Le Baron Jenney à Chicago, Illinois.
Frank Lloyd Wright, « Fallingwater » Une maison sur la cascade construite entre 1935-1938
Ce début de siècle marque aussi l’apparition du cinéma : l’image est en mouvement. Le mouvement apparaît aussi dans la vie quotidienne avec la voiture et l’aviation. Le cubisme, par voie de conséquence, l’intègre par la juxtaposition de plans, les multi-perspectives et les collages pour introduire la vie moderne dans l’art. Le cinéma expressionniste de Robert Weine “Le cabinet du docteur Caligari” reprend à son tour la réalité morcelée des peintres.
Le cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene, film sortie en 1920. Lien Youtube
En italie, le futurisme (manifeste de Filippo Tommaso) suit ces avancées techniques, plastiquement et conceptuellement. Il est un modèle de mouvement d’avant garde, il prône l’activisme au-delà des oeuvres. Il veut rompre avec les traditions en exaltant la modernité, la vitesse et la machine.
Luigi Russolo (1885-1947), Automobile in corsa (Composition, Dynamisme d’une automobile), 1912-1913, huile sur toile, 106×140 cm, inscriptions : S.D.B.DR. à la peinture rouge : LRussolo 1911, Centre Pompidou, Paris.
Alors que Picasso, avec ses « Demoiselles d’Avignon », amène une façon nouvelle de voir le monde ( en y exprimant la simultanéité, le mouvement, la fragmentation des réalités liées aux autres continents), le cinéma est en train de devenir le média de masse.
Dans le prochain article vous verrez comment un artiste à remis en question la notion même d’art inventée à la renaissance et en quoi il a marqué toute la production artistique du 20eme siècle.
Pour lire la série d’articles consacrés à L’invention de l’art en Europe :
L’invention de l’art en Europe 1/8.
15e : L’art s’invente à la renaissance. L’oeuvre d’art n’a pas de fonction, elle n’est là que pour la délectation esthétique.
L’invention de l’art en Europe 2/8.
16e – 17e siècle : L’art au service des rois et de la propagande religieuse. L’art décrit le quotidien.
L’invention de l’art en Europe 3/8.
19e siècle : Au début de l’industrialisation, l’art rompt avec les sujets officiels et fait place à la nostalgie du passé et de la nature
L’invention de l’art en Europe 4/8
Fin du 19e siècle : Cadrer l’insignifiant quotidien et transposer la lumière en matière picturale
L’invention de l’art en Europe 5/8
La rencontre des autres civilisations : l’exotisme et le pittoresque.
Article inspirée de « Image, une histoire mondiale » de Laurent Gervereau, dont je recommande la lecture.